Lula a l’air douce. Lula a l’air souriante. Lula a l’air fragile. Lula a l’air timide. Lula a l’air gentille. Lula a l’air d’une princesse.
Mais ça, c’est avant qu’elle n’ouvre la bouche. Et même si c’est une voix sucrée et fluette qui vous caresse les tympans, elle est sans appel. Son regard d’émeraude polychroïque liquide se durci et nombreux sont ceux qui, face à ses yeux durs, perdent leurs moyens. Car Lula n’est pas douce, Lula n’est pas gentille, Lula n’est pas compatissante, Lula n’est pas timide. Lula est dure et sans pitié. Lula est autoritaire et sans vergogne. Et la seule chose qui compte pour Lula, c’est sa carrière.
Lula a travaillé dur pour en arriver là où elle est aujourd’hui, et elle continuera ainsi jusqu’à la fin des temps. Lula est bornée, secrète, mesquine, et vicieuse : pour elle la fin justifie les moyens. Lula est jalouse, sadique, menteuse, et impulsive : il ne vaut mieux pas se mettre en travers de son chemin.
Mais Lula ne possède pas que des défauts, et même si elle n’est pas une princesse, Lula aurait très bien put l’être tant elle est capricieuse et susceptible. Lula est aussi courageuse, loyale, dévouée. Lula est malgré tout attachante, fidèle, amusante. Lula elle est créative, débrouillarde, et surtout déterminée.
Lula c’est ce petit bout de femme persévérante. Lula c’est ce petit bout de rêve maladroit.
C’est ce courant d’air froid de décembre qui prend vicieusement plaisir à vous enrhumer. C’est cette force mystérieuse qui cache votre dernière chaussette alors que vous êtes terriblement en retard. C’est aussi ce lumineux soleil d’hiver qui se reflète sur la poudreuse et vous fait mal aux yeux. C’est ce caillou au fond de votre chaussure alors que vos lacets montent au dessus des chevilles. C’est cette ouverture facile qu’il faudrait ouvrir avec la tronçonneuse. Parce que Lula est chiante, vicieuse, malsaine. Et le pire dans tout ça, c’est qu’on ne s’en rend pas tout de suite compte.
Parce que Lula est douce. Parce que Lula est souriante. Parce que Lula est fragile. Parce que Lula est timide. Parce que Lula est gentille. Parce que Lula est une princesse.
Parce que Lula est une sacrée bonne manipulatrice.

« La vie à Horizon est-elle agréable ? » « Horizon est toute ma vie. Forcément qu'il y fait bon vivre. »
« Comment voyez vous vos rapports avec les Astray ? » « Les Astrays sont les bienvenus tant qu'ils respectent le Roi et les règles de vie d'Horizon. Seuls les éléments pertubateurs sont nuisibles. »
« Que pensez vous des Cross ? » « Je n'ai pas d'avis particulier. Ils sont le fruit d'une union entre Uncanny et Astray. Tout comme les Astrays : ils sont les bienvenus tant qu'ils ne perturbent pas l'équilibre mis en place à Horizon. »
« Avez vous un avis à propos du Roi ? » « C'est un très bon Roi, il faudrait être idiot pour penser le contraire, et fou pour l'affirmer à haute voix. »

Dès qu’elle le put, c'est-à-dire presque immédiatement après sa naissance, Lula s’engagea dans l’armée. C’était tout ce qu’elle voulait faire, et elle savait que si elle voulait monter dans la hiérarchie, c’était par là qu’elle devait passer. Alors elle endura les entraînements, et elle les endura avec brio. Elle devint rapidement la meilleure de sa promotion, que ce soit en course, en combat à l’épée ou à mains nus. Elle réussissait avec tout autant de brio les tests écrits. Mais ce que préférait Lula et ce dans quoi elle excellait le plus, c’était la manie des armes à feu. Les pistolets classiques, les arquebuses, les pistolets d’arçons, les mousquets, elle les aimait tous. Mais son préféré, c’était le fusil de précision, et de ce fait elle fit rapidement partit de ceux qu’on appelait les tireurs d’élite.
Une fois son service terminé avec un succès non négligeable, Lula troqua son appellation de simple soldat contre celle de caporal. Les années passèrent, apportant avec elles des médailles supplémentaires. Alors Lula continua de monter en grade : sergent puis sergent-chef, adjudant puis adjudant-chef, et enfin major pendant quelques années. Puis elle quitta le banc des sous-officiers pour entamer les choses vraiment sérieuses. Tout comme les nombreuses années précédentes, les grades se succédèrent, et Lula arriva finalement au titre de lieutenant. C’est fou ce que ça sonnait bien, Lieutenant Lula.
Ce fut pendant cette période que le Roi entra dans sa vie. Evidemment, le Roi avait toujours fait partie de la vie de Lula. C’était pour son Roi qu’elle s’était engagée dans l’armée, qu’elle avait gravit les échelons, qu’elle avait subit les blessures et les coups, ainsi que quelques rares moqueries. Car plus les années et les grades passaient, plus ses collègues se faisaient masculins. Il n’y avait que quelques femmes dans son entourage, et contrairement à Lula, elles n’avaient pas l’air de gamines à peine sorties de l’adolescence. Mais Lula montra bien vite que si son corps avait l’air jeune, il n’en était pas moins résistant, et elle gagne rapidement le respect de ses collègues comme celui de ces supérieurs. Tous la considérèrent rapidement comme un petit prodige. Et c’est sans doute cela, qui poussa le Roi à la convoquer pour une audience privée au château.
Pour tout avouer, le jour-J, elle était un peu anxieuse. Après tout, ce n’était pas donné à n’importe qui de rencontrer le Roi en personne. Ce Roi auquel elle consacrait sa vie sans jamais lui avoir adressé la parole. Pourquoi était-elle comme ça ? Elle-même ne le savait pas. Cela lui semblait juste être la chose la plus évidente du monde, d’être une femme fidèle et loyale dévouée à son Roi. Et son ambition personnelle avait pris le pas sur beaucoup d’aspects de sa vie. Tout son existence elle avait favorisé sa carrière au dépend de sa vie personnelle, et ce sacrifice ne lui avait rien coûté. Elle avait excellé dans tout ce qu’elle avait entreprit. Alors Lula l’espérait.
Cette reconnaissance qu’elle estimait mériter amplement.

L’espace d’une seconde, Lula avait été impressionnée, lorsqu’elle était rentrée dans le bureau du Roi. Mais elle s’était vite reprise : elle n’avait pas à être impressionnée mais à impressionner. L’entretien avec sa Majesté s’était passé de la façon la plus excellente qui soit. Et à la fin de leur discussion, la reconnaissance était enfin arrivée. Le Roi avait proposé à Lula une promotion. Et par n’importe laquelle. Il lui offrait, sur un plateau d’or blanc sertit de diamants, le poste de Capitaine des AURORE.
L’AURORE. L’Armée Urbaine et Rurale de l’Ordre du Rêve Eternel. Les forces spéciales d’Horizon. On pouvait compter les adhérents sur les doigts des mains. Ils ne prenaient que l’élite de l’élite. Alors les diriger ? Elle ?
Pendant un instant, Lula avait cru à une farce de mauvais goût. Mais il y avait cette lueur indéchiffrable dans le regard du Roi. Ce scintillement étrange mais qui lui montrait une chose dont elle ne pouvait désormais plus douter : son Roi croyait en elle. Son Roi croyait en ses capacités qu’elle avait acquises et développées tout au long de sa vie et de sa formation. Alors elle avait accepté en disant que c’était pour elle le plus grand honneur qu’on pouvait lui faire, et le lendemain, elle s’installait dans ce bureau que le Roi lui avait offert en même temps que le poste.

Lula prit ses racines et ses habitudes rapidement à son nouveau poste. Tout comme elle l’avait fait pendant les années précédentes, elle excellait dans tous ses devoirs. Parfaite. Parce que c’était une chose d’obtenir ce rang, mais ç’en était une autre de le garder. Il était hors de question de relâcher ses efforts. Hors de question de décevoir ce Roi qui l’avait remarquée et qui avait cru en elle. Hors de question d’être arrivée si haut pour retomber. Elle pouvait maintenant s’envoler.

Alors forcément, quand des actes terroristes eurent lieu à Horizon il y a deux dans, Lula, dirigeant les AURORE, s’en chargea. Les suspects furent tout de suite accusés de trahison envers sa Majesté puis exécutés. Le soir de cette mise à mort, Lula s’était endormie avec un sourire satisfait sur le visage. Cette double mort avait visiblement servie de leçon et d’exemple, car depuis le calme était revenu à Horizon. Il y faisait de nouveau bon vivre. Certes, il y avait toujours quelques crimes mineurs çà et là, mais la milice s’en occupait avec succès. Parfois, on demandait à Lula de venir faire une visite d’inspection à la caserne : cela motivait les troupes. Comme quoi, quand on veut, on peut.

Parce que bon, Lieutenant Lula ça sonnait bien, mais Capitaine Lula, ça avait des airs de paradis.