se divertir est un besoin naturel, très cher.

ft Morgan Sanders

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Morgan Sanders,
Voilà une lettre qui j’espère, éclaircira votre journée. Ce n’est en effet ni une facture, ni une amende. Ceci est un simple « bonjour » que je vous envoie à vous, un être qui m’est inconnu. J’estime qu’il est important de recevoir des lettres, ne serait-ce que pour le moral. N’est-il pas plaisant de recevoir un message, comme cela, sans aucune attente de votre part ? Pas même une réponse ?

Je vous rassure aussi sur un autre point ; je ne suis pas une femme en manque d’affection, écrivant à tous les hommes de l’annuaire en espérant que l’un d’eux réponde pour éventuellement commencer une histoire d’amour. Je vous avoue que j’ai lu des romans du genre, et je vous le déconseille vivement : chacune des deux parties est déçue au bout du compte. Du moins, je le vois ainsi. Les livres s’arrêtent une fois que les deux êtres s’apprécient au point de pourquoi pas, s’unir plus que nécessaire. Où est la suite ? Celle où commencent les disputes, les mécontentements. Est-ce une manie de finir un roman par quelque chose d’heureux ?

J’espère que cette lettre vous aura diverti un instant. Vous pouvez y répondre si le cœur vous en dit, j’en serai très heureuse ! (oui, comme dans les fin de romans) J’espère que ce ne sera pas ainsi que cela se finira. Après tout, vous savez à présent que j’aime écrire des lettres à des inconnus, que je n’aime pas tant que ça les histoires qui se finissent bien (même si je raffole des contes de fées, c’est assez étrange, j’admets. En avez-vous lu ?). Je ne sais rien de vous, à part votre nom. Aurez-vous l’envie d’assouvir ma curiosité ?

Amicalement,
Maxine.

Chère Maxine,


Vous m'avez l'air d'être une jeune femme très éveillée. Lire votre lettre ce matin m'a fait grand plaisir, et je vous en remercie de tout cœur. Cela faisait à vrai dire de longues années que je n'en avais pas reçue ; mon courrier ne contient habituellement que des factures et ce vieux journal ennuyeux que je lis devant mon café. Ce fut un vrai bonheur de voir pour une fois cette belle enveloppe à mon nom et une si jolie écriture.

N'ayez crainte, à moins que vous n'ayez plus d'une cinquantaine d'années, je ne me risquerai pas à espérer de vous quoique ce soit de plus qu'une correspondance cordiale et désintéressée ; les amourettes ne sont j'en ai bien peur plus de mon âge. Je reste cependant un amoureux des lettres, et bon nombre de livres qui ont pu passer entre mes mains parlaient d'amour. Vous ne choisissez pas bien vos romans : les plus beaux sont ceux qui finissent mal. Voyez, par exemple, Les Liaisons dangereuses de Laclos ? Une œuvre magnifique, tortueuse et dépourvue de toutes ces enjolivures hypocrites qui font de bien des histoires d'amour ce cliché chagrinant de fadaises. C'est d'ailleurs un roman épistolaire, que je vous recommande vivement.

J'ai aussi lu des contes de fée à mes enfants, autrefois. Mais c'est différent : ils ne cherchent pas à être réalistes, mais à faire rêver. Les bons contes de fées transportent, le temps de quelques pages, et je comprends votre penchant pour eux. Tout le monde aime à rêver, à tout âge - je ne fais moi-même pas exception à la règle.

Mais je dois vous ennuyer avec mes discours de vieillard ! Voyez, avec le temps, on radote. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur. Ce fut dans tous les cas un plaisir de pouvoir converser avec vous, et s'il vous venait l'envie de poursuivre, je serais très heureux de pouvoir vous lire encore.


Passez une bonne journée,

Un vieil homme reconnaissant.

se divertir est un besoin naturel, très cher.

ft Morgan Sanders

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Cher Morgan,
Que dire. Merci ! Vous avez été la première personne à répondre à une de mes lettres. Dans quel monde vit-on, je vous le demande ! Tout le monde est bien trop occupé pour avoir le temps de répondre à une lettre. Je me demande même si la moitié l’a au moins lue. Je dois avouer que ce n’est peut-être pas une habitude, ici à Horizon. Dois-je en déduire que vous venez de la Terre ? De plus, votre nom vous trahit. L’annuaire n’est peut-être pas l’ami de tout le monde. Est-ce votre cas ? Quoi qu’il en soit, votre monde m’attire beaucoup. Je n’ai pas eu la chance de le connaître malheureusement… Pourriez-vous m’en dire plus ? Je recherche des témoignages pour mon information personnelle. Ne vous sentez pas obligé pour autant ! J’ai rencontré beaucoup de personne refusant de parler de leur passé. Je comprends. Enfin, je crois.

Suite à votre lettre, je suis allée à une librairie pour pouvoir voir de mes propres yeux ce livre dont vous m’aviez parlé. Les Liaisons Dangereuses, n’est-ce pas ? Je l’ai acheté, mais je n’ai pas eu le temps encore de le terminer. J’avoue que j’y suis très attachée pour le moment ! Effectivement, votre esquisse de résumé m’avait interpelée, et le contenu ne m’a pour l’instant pas déplu. Je vous ferai part de mes impressions une fois terminé, si vous le souhaitez.

Si je comprends ce que vous dites, les Hommes ont inventé les contes de fée pour faire rêver ? Donc, c’est grâce à cela que nous existons pour certains d’entre nous ? Cela est très intéressant. Je n’avais jamais envisagé les contes dans ce sens. A vrai dire, je ne sais pas ce que j’en pensais exactement. Des histoires pour enfants afin de leur apprendre la vie ? Ou juste parce que les romans seraient trop compliqués pour ces débutants en lecture ?

Je suis désolée à mon tour de vous poser tant de questions ; je dois être trop curieuse à vos yeux très certainement –on me le dit souvent. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureuse d’avoir reçu une réponse de votre part ! Vous semblez plein de culture, sage –et ce non pas seulement à cause de la vieillesse, je vous rassure. Je pense que vous pourriez m’apporter beaucoup d’information qui me tiennent à cœur, du moins si vous êtes d’accord, évidemment.

J’espère avoir de vos nouvelles d’ici peu,
Maxine.

se divertir est un besoin naturel, très cher.

ft Morgan Sanders

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Cher Morgan,
J’espère que votre santé n’a pas été trop touchée. J’ai été très peinée d’apprendre cela dans votre dernière lettre. Allez-vous mieux depuis ? Etait-ce grave ? Je prie pour que ce ne soit pas le cas. Tenez m’en informée s’il vous plaît, pour ne pas que je m’inquiète trop… Et n’hésitez pas à me demander quoi que ce soit si je puis vous être utile.

Quant aux livres, je n’ai malheureusement pas eu le temps de continuer ma lecture, encore une fois. Mais qu’est-ce donc que le théâtre ? Je ne crois pas en avoir entendu parler… Je dois vous avouer que c’est ma mère qui m’a fait prendre goût à la lecture, et je n’ai donc pas eu la curiosité encore de m’aventurer dans beaucoup de genres… En fait, je n’y avais même pas pensé… J’ai tout de même eu l’envie de feuilleter le livre que vous m’avez envoyé. Quelle étrangeté ! J’ai eu beaucoup de mal à m’y faire, mais cela se lit assez vite. Je n’ai pas tout compris en revanche. Y a-t-il une sorte de code à déchiffrer ? En tous cas, ce fut très étonnant. Je pense que je chercherai d’autres « tragédies » de ce genre, comme vous les appelez.

Vous dites que les humains s’aiment, mais qu’ils se font la guerre ? Vous êtes des êtres très étranges, excusez-moi de vous dire cela. Je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse aimer quelqu’un mais tout de même vouloir sa mort, ou inversement. Enfin, ça me rappelle quelques livres dont je ne me souviens plus le nom. J’ai dû les lire il y a pas mal de temps, où ils appelaient cela « passion ». Je croyais que c’était juste pour les besoins du livre, mais cela existe réellement alors ?

Et concernant mon intérêt pour les astray, ou les humains venus sur Horizon si vous préférez, c’est tout d’abord parce que je trouve que vous avez énormément de chance. Vous gagnez sur les deux tableaux, si vous préférez : vous avez vécu sur Terre, connaissez les habitudes des habitants, vous aviez des amis, des femmes, des enfants… Je trouve cela formidable. Et puis, vînt le jour où vous êtes arrivé à Horizon. Là, vous avez découvert nos habitudes, nos habitants. Vous vous faîtes des amis, ou des connaissances, vous pouvez tomber amoureux, vous vivez plus longtemps. Alors que nous, nous sommes condamnés à vivre ici, sans aucun moyen de découvrir le monde vers lequel vous venez. Comprenez-vous ma frustration ? De plus, vous l’aurez sans doute remarqué, je suis de nature curieuse. C’est donc pour cela que j’aime découvrir ce que vous apportez dans vos « bagages », si vous voulez. Il a aussi le fait que je sois le fruit d’une union entre un uncanny et un astray. On appelle les gens comme moi les cross. Il ne faut pas croire que notre vie est toujours facile –je ne me plains pas, attention, j’adore ma vie. Mais on fait l’objet de rejet du peuple uncanny qui ne veut pas des astray, ainsi que les astray dégoûtés des uncanny. Je suppose aussi que chaque existence a son taux de problèmes, je ne le nie pas non plus. Voilà, vous connaissez à présent le départ de ma curiosité envers vous.

Cela n’a rien avoir avec ce sont on a parlé récemment, mais est-ce que nous sommes pour vous des sortes d’extraterrestres ? Pouvez-vous me parler de votre vie sur Terre ? Vous voyagiez, si j’ai bien compris ? Est-ce que la Terre ressemble à Horizon, de près ou de loin ? Ah, qu’est-ce que j’aimerais voyager sur Terre moi aussi. Cela doit être splendide. Je m’excuse d’avance pour cette suite de questions, mais vous m’aviez dit de ne pas hésiter. Je prends vos mots au pied de la lettre.

Portez-vous bien,
Maxine.

se divertir est un besoin naturel, très cher.

ft Morgan Sanders

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Cher ami,
Me voilà inquiète. Cela fait déjà une semaine que j’attends votre lettre. Que chaque jour, je me dépêche de rentrer chez moi, de vérifier ma boîte aux lettres pour voir si un courrier m’est venu, un courrier de ce cher Morgan. Mais rien, rien du tout à part une petite pellicule de poussière qui recommence à prendre place à l’intérieur de la boîte précieuse. Que se passe-t-il ? En avez-vous marre de m’écrire ? Avez-vous des problèmes de santé ? Ma dernière lette ne vous est-elle tout simplement pas parvenue ? J’espère que c’est cette dernière proposition.

Vous savez, je crois que j’ai un problème. Je crois que je commence à vraiment apprécier et à attendre vos réponses. Je crois que je deviens un peu dépendante. Comme la dro… Oh, comment appelez-vous cette substance, les astray ? Dogue ? Drogue ? Je ne sais plus vraiment, mais je pense que vous avez compris ce que je voulais dire. C’est « grâce » à cette semaine sans nouvelles de Morgan, de mon nouvel ami, qui m’a fait ouvrir les yeux. Cela peut vous paraître ridicule d’attendre une lettre comme cela, d’un inconnu. Vous devez me prendre pour une famine naïve. C’est peut-être le cas. Que se passe-t-il, mon ami ? Êtes-vous malade, comme vous me l’aviez écrit dans votre dernière lettre ? Oh, répondez-moi je vous en prie. Même si la réponse à toutes ces questions est en fait que vous en avez marre de me répondre, voire même de me lire.

Je suis désolée. Je crois que je ne fais pas vraiment attention à la manière dont j’écris, pour une fois. Je ne vais pas me relire, de peur de recommencer pour la sixième fois cette lettre. Je commence à être fatiguée, je n’ai pas bu mon café de l’après-midi, et il se fait déjà tard. Je pense que je vais me coucher, maintenant, après peut-être un verre ou deux.

J’attends de vos nouvelles bientôt, même mauvaises.
Maxine.