Sélénée, elle vous regarde toujours fixement. Elle vous regarde avec ses grands yeux grand ouverts, ses grands yeux innocents. Il n'y a pas d'arrogance dans son regard, pas de méchanceté, pas plus qu'il y a d'amitié ou de romantisme. Non, son regard, lui, est luisant de curiosité, d'incompréhension envers l'être que vous êtes. Sélénée peut passer une journée entière à vous observer, tout simplement parce qu'elle veut vous comprendre. Elle aime observer tout le monde. Elle veut connaître vos petites manies, vos sentiments, vos réactions. Et une fois qu'elle vous connaît, elle va vous observer encore, et essayer de prédire vos réactions, de prédire vos pensées, vos gestes. Et souvent, elle n'aura pas tort.

Sélénée s'est toujours demandée, ce que c'est, l'humanité. Elle a demandé à des astray, à des uncanny, mais personne ne lui a jamais répondu de façon à la satisfaire. C'est pour ça qu'elle vous observe. La réponse à ses questions, elle les cherche dans l'observation. Une observation en silence, presque invisible pour les autres, qui finissent par être habitués.

Sélénée, elle ne parle pas beaucoup. Sélénée, quand elle parle, c'est toujours avec une petite voix encore d'enfant, tout en baissant ses yeux, et toujours très polie, toujours modestement, comme si sa voix ne méritait pas d'être écoutée. Elle est discrète Sélénée.

Sélénée est toujours très calme. Il n'y a que dans très peu de cas qu'elle perd son calme. Et notamment quand elle est en plein milieu d'une foule. Sélénée a une peur bleue des grosses foules, à cause de son cauchemar. Si elle se retrouve coincée dedans, elle commencera à pleurer, à paniquer, à hyper-ventiler. Elle s'accroupira en plein milieu de la foule, le souffle court, les larmes coulant, mais toujours silencieuse. Mais si vous la touchez, elle hurlera; il faut alors que quelqu'un l'emmène hors de la foule pour qu'elle se calme et retrouve son silence.  

Sélénée ne sourit pas; ou très rarement. Elle sourit devant les spectacles de la nature. Devant les choses attendrissantes. Mais elle ne vous sourira pas, à vous. Son visage est un masque, ses yeux sont un gouffre. Sélénée ne sourit pas. Mais Sélénée ne pleure pas non plus. Sélénée est impassible.

Sélénée a beaucoup de questions à poser; si vous êtes une personne avec qui elle est à l'aise et qui avez déjà répondu à l'une de ses interrogations, garde à vous! Elle ne cessera de vous poser des questions, des plus faciles aux plus compliqués et étranges.

Sélénée est une enfant du genre innocente et pure. Elle ne pense pas que la méchanceté peut exister, et elle aura une grande admiration pour beaucoup de personnes. Elle est candide. Elle peut énerver, par son mutisme, par son silence, par son incapacité à lier des contacts avec les gens, à ne pas répondre à vos questions, à ne pas s'énerver, à ne pas réellement vivre, à avoir des interrogations idiotes, à ne pas savoir ce qu'est l'humanité, à sourire pour un rien alors qu'elle ne vous répond pas. Sélénée provoque des sentiments mitigés, et souvent, on ne la comprend pas.

Sélénée n'est pas vierge, mais elle n'est pas souillée pour autant. Sélénée ne comprend pas ce que c'est, l'amour. Sélénée voudrait savoir ce que c'est, mais elle a l'impression d'être dénuée de tout sentiments. Ça fait peur à Sélénée. Elle adore prendre soin de ce qu'elle aime. Et elle aime les animaux et les plantes. Alors souvent vous pourrez la retrouver en train de soigner un oiseau blessé, d'arroser, de couper quelque fleurs, plantes...

Sélénée fait un peu peur, à être silencieuse comme ça. Alors on l'évite, on parle, on suppose, on change la vérité... Sélénée n'est pas forcément comprise, Sélénée est parfois évitée, mais très peu réellement détestée.

Sélénée n'est pas pieds sur Terre, elle ne comprends pas la difficulté de la vie. Elle est toujours là, à rêver, sans comprendre pourquoi on doit faire des choses, qui sont si embêtantes. Sélénée pourra vous poser des questions hors de propos, des questions qui n'auront rien à voir avec la situation présente. Si bien que Sélénée, elle dérange, elle met mal à l'aise. On ne la comprend pas, Sélénée.

 
« Qu'est-ce que cela vous fait d'être moitié-astray/moitié-uncanny ? » Sélénée, elle ne sait pas trop. Ses parents, elle n'a pas beaucoup de souvenirs. Ils sont partis, quand elle était jeune. On dit d'elle qu'elle est plus humaine. Mais qu'est-ce que c'est, être humain? Sa condition provoque chez elle plus de scepticisme qu'autre chose.
« Comment voyez vous vos rapports avec les autres ? » Sélénée n'est proche réellement de personne. Elle ne se livre pas, ne se dévoile pas. Souvent, on ne la remarque même pas. Elle reste distante, comme pour se protéger. Elle a peur des autres.
« Avez vous un avis à propos du Roi ? » Pas réellement. Elle en entend parler des fois, regarde son château de loin, mais ne l'a jamais vu. Elle ne peut pas avoir d'avis sur quelqu'un sans l'avoir observé auparavant.
« Qu'est ce qui pourrait vous attirer dans le monde d'origine de votre parent Astray ? L'étrangeté de ce monde. C'est un monde différent, il attire, il fait rêver. Mais la seule fois où elle en entend parler, c'est par conversation, ou dans des livres.

Un papa. Une maman. Une papa. Un maman.
C'est comme ça que ça aurait dû se passer normalement. Un papa, une maman, de l'amour, et peut-être même un frère ou une sœur, si on avait eu de la chance. La chaleur d'un foyer, une maison, c'est comme ça que ça aurait dû se passer.
Mais évidemment, dans ce monde, rien ne se passe comme prévu.
Le papa, la maman, ils sont partis. Personne ne savait où. Personne n'a cherché, non plus. Ils l'ont laissée toute seule, dans un coin de leur maison qui partait en ruines. On l'a retrouvée. Personne n'a voulu l'élever. Il y avait de la méfiance. Un mélange des sangs. Ça inspire la méfiance. Et puis, quelqu'un l'a prise sous son aile. Quand on l'a su, ça a jasé. Critiqué. On se demandait ce qu'elle allait devenir, la pauvre. Et on ne s'est pas trompé.
Une maquerelle.
Antigone.
Un seul but: l'argent. Vendre son corps. Elle a eu du succès, l'enfant. Douze ans, déjà souillée. Mais toujours pure. Toujours innocente. Elle ne comprends pas pourquoi, mais elle endure. Elle ne connaît que ça. Elle a été élevée dans ce but. Vendre son corps. Faire plaisir aux clients. Souffrir, si besoin est. Et puis recommencer. Le soir. La nuit.
Ce n'est pas qu'elle déteste ça. Mais elle n'aime pas non plus. Elle ne connaît que ça. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Pendant le coït, son esprit va ailleurs. Elle se pose des questions, cherche à obtenir les réponses. C'est une petite poupée, faites ce que vous voulez d'elle, elle ne bronchera pas.
Ses yeux sont vides.
Ses yeux sont éteints.
Elle se demande si c'est comme ça pour tous ceux qui ont un papa une maman. Tous les papas et mamans abandonnent leurs enfants ?
Elle se pose de questions. Ne les pose jamais. Reste silencieuse. Ne cherche pas à se rebeller.
Elle est stérile, c'est bien, pas d'inquiétude pour les clients.
Elle reste reconnaissante envers la maquerelle. Avec elle, logis, nourriture, vêtements. Quand elle n'est pas au travail, elle peut sortir.
Elle est obéissante. C'est une fille sage. Une bonne fille. Elle subit bien. Elle obéit.
C'est une petite marionnette.