▬ psychologie
Un clown, ce n’est pas là pour être lui-même.
Un clown, c’est juste là pour faire rire les autres, les amuser. Lui il se tait. Il se pare de son beau maquillage, revêt ses vêtements flamboyants et il fait rire, c’est tout.
Un clown c’est transparent, ça ne se montre pas. Il sourit quand il faut même s’il n’est pas heureux, il rit lorsqu’il tombe même s’il a mal, il saute, fait des cabrioles, des saltos, jongle, même s’il a mal au genou. On est clown avant tout, on oublie ces menus détails.
Un clown, on le regarde avec un peu de mépris, on le regarde sans y prêter attention, on passe les yeux dessus et on va vite vaquer aux occupations plus importantes.
Ce n’est pas sérieux un clown.
Ce n’est pas digne d’un véritable intérêt.
« Viens, on part, on est pressé. On ne va pas perdre notre temps avec ça » disent les parents trop occupés pour laisser leurs enfants s’amuser des facéties d’un clown.
Et le clown est d’accord. Il se sait inutile ; ça ne le dérange pas. Il est indifférent à la plupart des choses, à part à son métier. Ce n’est pas qu’il ne regarde pas le monde autour de lui. Au contraire, il observe, il scrute, il enregistre inlassablement tout ce qui passe sous ses yeux. Mais ce n’est qu’un appareil photo un peu archaïque qui mémorise tout ce qu’il voit. Il ne fait rien d’autre que constater, marquer dans son esprit des images qui s’enchaînent et s’emboitent, créant une grande histoire, l’histoire d’Horizon. Mais tout ça a peu d’importance. Il y a plus important que les mouvements de quelques badauds qui le méprisent, de quelques grands qui le craignent en le voyant errer et de quelques rabat-joie trop ternes pour être dignes d’intérêt. Ces gens-là ne changeront rien au quotidien d’un clown, qui la bien compris. Il a compris que certaines choses sont immuables malgré les gens mécontents et ennuyeux.
Il sait qu’il continuera à faire le pitre aussi longtemps que son corps le lui permettra parce qu’il aime voir les sourires des enfants et la petite lueur dans les yeux des adultes, un peu plus pudiques. Il sait qu’il dérangera toujours la plupart des gens lorsqu’il chante à plein poumon ses rimes improvisées, parfois trop bancales lorsqu’il a le ventre vide et qu’il peine à réfléchir. Il sait qu’il n’aurait aucun mal à gagner de l’argent autrement, mais qu'au fond il ne changera jamais, c’est quelqu’un d’honnête. Il sait qu’il est heureux. Sans jamais avoir lu le moindre livre de Pascal, d’Epicure ni d’aucun autre philosophe qui réfléchissent trop pour comprendre quoi que ce soit. Il faut sûrement être heureux pour savoir qu’on l’est, et, dans ce cas, le clown est la seule personne heureuse puisqu’il ne doute jamais de son bonheur, qu’il est fixé en lui si profond qu’il n’a jamais à se demander le pourquoi du comment du bonheur. Même ridicule, même affamé, même détesté, il est heureux, alors il rit pour que les autres rit, il se fait mal pour qu’on lui sourit, et les pièces sonnantes qui tombent dans son chapeau élimé ne sont que des suppléments. Alors, tant qu’on le laisse tranquille, Quasimodo continuera sa petite vie sa jamais rien faire bouger. Parce que si on bouge quoi que ce soit, peut-être que son bonheur deviendra bancal, que son harmonie sera détruite définitivement.