Léopold est un phénomène fascinant. Plus complexe qu'il ne semble l'être au premier abord, il cache particulièrement bien son jeu. Il y a des choses dont il n'a pas honte. Il assume ainsi parfaitement le fait qu'il ne soit pas des plus subtils. Un bourrin, voilà comment on pourrait le qualifier. Quelqu'un qui met les pieds dans le plat sans la moindre vergogne, et qui ne voit pas en quoi cela gêne. Quelqu'un qui aime les blagues de mauvais goût et les rires gras. Tout ce qui sort de ses lèvres tend à être déplacé, voire profondément vulgaire. Il est comme ça, Léopold. Il n'a pas vraiment de tact, mais cela ne le dérange pas. On pourrait facilement le comparer à une bête sauvage. Plutôt un ours mal léché ou un chien qu'une panthère, cela dit. Il ne semble pas vraiment exercer un contrôle humain sur lui-même. Quand on le provoque, il réplique à coup sûr. Il fonce dans le tas. Il dit ce qu'il pense sans se soucier de blesser les autres et il n'hésite pas à employer la violence. Sans doute est-ce pour cela que Léopold est souvent craint par ses subordonnés : comme chef, il aime bien employer la méthode forte. Il n'a pas beaucoup plus de compassion pour ses sous-fifres que pour les prisonniers qui sont à charge. Sa racine est la Cruauté, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Léopold est cruel. Ceux qui sont passés entre ses mains savent qu'il sait s'y prendre pour vous arracher un cri de souffrance. Et ce n'est même pas qu'il le fait par plaisir. Il n'a rien d'un tortionnaire sadique qui s'amuserait avec ses victimes. C'est simplement qu'il sait s'y prendre. Faire souffrir les autres est naturel, chez lui. Il semble trouver d'instinct la faiblesse de la personne en face de lui, et frapper là où ça fait mal. Il n'est donc pas étonnant que Léopold se soit retrouvé à la tête de la prison. C'est une charge dont il s'acquitte plutôt bien... surtout, dans la mesure où il délègue la plupart des tâches, car Léopold a une tendance à être très vite gagné par la flemme. Il s'occupe principalement des interrogatoires, où il excelle plus que le moindre de ses subordonnés, et de vérifier que ces derniers filent droit. Il n'a pas besoin de hurler pour cela. Il lui suffit de les regarder droit dans les yeux. Son autorité paraît incontestée, dans la mesure où quand Léopold déteste quelqu'un, il ne reste en général pas grand-chose de cette personne après la tempête.

Sachant cela, vous vous demandez très certainement comment une telle personne peut occuper un poste de conseiller auprès du Roi. Cela ne nécessiterait-il pas un peu plus d'intelligence que ce dont Léopold est capable ? Si telle est votre pensée, alors vous vous êtes fait avoir par les apparences que Léopold se donne. Oh, certes, sa bestialité n'est pas inventée, et il aime vraiment les plaisirs d'adulte. Mais derrière cette apparence de chien se cache un redoutable manipulateur qui se joue de ses faiblesses pour agir à sa guise. Car Léopold est en fait un renard. Rusé, il ne lui faut pas longtemps pour comprendre une situation, et surtout, trouver une solution pour remédier aux problèmes qu'il peut rencontrer. Céphée n'est pas idiot, il connaît parfaitement son potentiel. Léopold trouvera toujours le moyen d'arriver à ses fins avec vous. S'il ne vous impressionne pas, il saura vous aiguiller dans la mauvaise direction. Mais, tant qu'à faire, si vous avez l'impression qu'il est bête, il ne va pas vous détromper, n'est-ce-pas ?

Toutefois, Léopold n'est pas doté d'un certain nombre de faiblesses. Son enfance a été difficile, et s'il a toujours été prêt à faire ce qui lui paraissait nécessaire pour assurer sa survie, cela ne veut pas dire qu'il n'a peur de rien. En fait, il a peur de beaucoup de choses. Sa mère pourrait être considérée comme une faiblesse, car c'est pour ne pas être une charge qu'il a quitté leur foyer très jeune. Qui plus est, Léopold est assez perturbé dans sa tête. Il est frappé par un nombre de phobies incalculable. Il a peur des poupées, d'être constipé, des belles-mères... il est même anatidaephobe, il a peur d'être observé par un canard. Heureusement pour lui, personne ne sait qu'il souffre de ses phobies, il fait bien attention à ne pas se retrouver dans une de ces situations. Et sinon, il fait tout pour détourner l'attention.

« Qu'est-ce que cela vous fait d'être moitié-astray/moitié-uncanny ? »
Pas grand-chose. Léopold est assez peu conscient de sa moitié astray, parce qu'il n'a jamais connu son père et considère donc qu'il n'en a jamais eu. Il est le fils d'une uncanny. Il est un peu différent d'elle, il est né et il a grandi, mais malgré tout, il ne se voit pas comme un hybride. Juste comme le fils d'une uncanny.
« Comment voyez vous vos rapports avec les autres ? »
Rapport ? Outre le fait que Léopold fait peur et aime faire du mal ? Hum... eh bien, tout dépend des personnes. Du moment que les autres ne font rien qui puisse l'embêter, Léopold se contente de les ignorer poliment. Sinon, il devient très vite agressif. Léopold n'est pas des plus sociables.
« Avez vous un avis à propos du Roi ? »
Le Roi ? Léopold l'aime bien. Même s'il est parfois un peu embêtant et taquin, c'est quand même quelqu'un de sympa, surtout quand on apprend à connaître celui qui se cache derrière le souverain. Léopold aime beaucoup Céphée. Par certains côtés, c'est un peu comme un père pour lui. Mais c'est surtout un ami avec qui il a noué des liens très forts.
« Qu'est ce qui pourrait vous attirer dans le monde d'origine de votre parent Astray ?
Quel parent astray ? Léopold considère qu'il n'en a pas. Alors il n'a pas vraiment de raison de se rendre dans le monde d'origine de son père.

Déjà tout petit, Léopold était un garçon un peu particulier. Les raisons en étaient nombreuses. La première était très certainement son caractère. Il était encore tout jeune, mais sa racine s'exprimait déjà, et il avait tendance à traîner seul, car il était une mauvaise fréquentation pour les autres cross de son âge. Forcément, les parents n'avaient pas très envie de voir leurs rejetons rentrer à la maison avec des hématomes sur tout le corps. Mais Léopold était comme ça, une toute, toute petite force de la nature qui aimait voir des bleus fleurir sur la peau de ses camarades. Il nourrissait pour cette vision particulière une affection profonde, parfois teintée de culpabilité - quand il voyait le regard de sa mère. Léopold n'était pas vraiment un solitaire dans l'âme, mais il avait l'habitude qu'on le désire loin de soi. Et cela ne le dérangeait pas vraiment.
Autre point qui rendait Léopold assez exceptionnel, c'était sa famille. Sa mère était une uncanny. Son père ? … qui pouvait savoir ? Il était originaire d'un autre monde, c'était tout ce que l'on savait sur lui. Léopold ne s'était jamais posé la question. Et ne voulait pas le savoir. Pour quoi faire ? Il ne l'avait jamais connu, il n'allait pas se soucier de lui. Et son refus catégorique de s'interroger sur sa parenté en étonnait plus d'un. Beaucoup se disaient que plus tard, Léopold changerait d'avis. Qu'il se déciderait à mener l'enquête... mais, quelle enquête ? Il ne pourrait jamais trouver de qui il s'agissait. Son père n'était qu'un des nombreux clients de sa mère... une prostituée qui œuvrait en maison close au moment de sa conception, et qui en avait été bannie quand il s'était avéré qu'elle était grosse. Léopold avait une fois demandé pourquoi elle n'avait pas tenté d'avorter avant. C'était un bordel, il y avait bien des façons d'empêcher une grossesse, non ? Sa mère lui avait répondu qu'elle avait simplement eu envie de garder un de ces embryons, pour voir ce que cela donnait. Il n'y avait pas de raison particulière ; et le fait d'être né grâce à un simple coup de tête ne semblait pas vraiment le perturber.
Le milieu dans lequel il avait grandi n'était pas très sain pour un enfant. Leur domicile était toujours ouvert. N'importe qui pouvait y rentrer, il n'y avait qu'une partie, réservée à Léopold, qui n'était pas accessible. Pour le reste, les hommes venaient, s'arrangeaient avec sa mère et la besognaient sans tenir compte du gamin qui se tenait dans la pièce d'à côté. Léopold entendait sans cesse leurs gémissements, leurs commentaires salaces ; mais pour lui, c'était normal, de sorte qu'il se retrouva très vite à parler le même langage que ces hommes. C'était le fruit de son éducation. Léopold ne voyait pas en quoi cela était mal.

Pour assurer un train de vie correct, même s'il n'était pas fabuleux non plus, la mère de Léopold lui avait demandé très tôt de travailler. Jamais elle n'aurait demandé à son fils de faire quelque chose d'illégal ou d'immoral. Toutefois, lui demander de travailler, alors qu'il était à un âge où il ferait mieux de consacrer tout son temps à l'apprentissage et aux jeux, ne la dérangeait pas. Sa racine, c'était le Plaisir, et elle avait des goûts de luxe. Léopold, pour cela, enchaîna les petits boulots pendant son enfance. Il alla là où on voulait bien de lui. Quand il fut suffisamment grand, il commença à chercher des clients pour sa mère, et ce, sans la moindre vergogne. Léopold n'avait pas honte de son existence.
Il advint cependant le temps où il comprit qu'il ne pourrait plus continuer ainsi. Sa mère avait fini par s'assurer un réseau de clientèle stable qui la comblait de cadeau. Elle n'était plus une simple catin de bas étage, elle était devenue une courtisane. Et Léopold, du coup, se sentait plutôt une charge. Aucun client ne voulait le voir dans les parages quand il avait affaire avec sa mère. A dix-sept ans, Léopold décida de s'en aller de la maison. Il n'avait rien préparé à l'avance. Simplement, un jour, il alla la voir et lui annonça qu'il quittait le foyer pour vivre sa propre vie. Elle ne le retint pas. Avachie dans le luxe, elle ne voyait son départ que comme une chose logique à faire.

Engagé dans l'armée, Léopold fut un soldat plutôt dur. Les ordres, il aimait bien les suivre sans réfléchir. Surtout quand il sentait qu'il y avait une faille dans les commandements qu'on lui donnait, et qu'il savait que cela allait faire du mal aux autres. Il se sentait parfois coupable parce qu'il aime cela, mais d'un autre côté... Eh bien, ce n'est pas comme si c'était un vrai problème. Léopold ne comptait pas vraiment prendre du grade. Il ne pensait pas réellement à sa carrière. Il était là parce qu'il était nourri, blanchi, logé, et qu'il n'avait pas vraiment à s'inquiéter du reste. Léopold n'était pas vraiment motivé pour faire des efforts.
Une rencontre allait cependant changer sa vie. La première fois qu'il avait croisé le regard du Roi, Léopold s'était efforcé de rester impassible. C'était le Roi. Il n'avait pas vraiment envie de lui parler, et n'avait rien fait pour l'encourager. Mais ça, c'était avant de découvrir quelque chose de très intéressant sur lui. Son côté sombre, pourrait-on dire. Ce que les gens ne savent pas à propos de leur souverain.
La suite, vous la connaissez.