▬ psychologie
Comment je pourrais me définir ? En manque. De quoi, je ne le sais pas. Je me sens vide, simplement. J'ai tout essayé pour que ça s'arrête, mais aucun de mes stratagèmes enfantins n'ont fonctionné. Les fringues bizarres qui attirent l'attention sur moi, les drogues, le sexe, et tous ces bouquins sensés te bercer d'aventures passionnantes, c'est inutile. Non, je suis resté aussi creux qu'un coquillage abandonné. Par contre, si tu écoutes mon coeur, t'entendras le bruit de la mer. Parce que je sais faire semblant d'être plein. D'être amusant. D'être aimant. D'être intéressé.
Ce n'est pas exactement que je ne ressens rien. Juste peut-être que mes sentiments sont en sourdine; je n'ai aucune empathie. Je ne me sens pas être quelqu'un. De toute façon, je ne suis même pas quelque chose de bien défini, n'est-ce pas ? Avec une mère Astray et un père Uncanny, on ne peut pas aller bien loin. Il pensait à quoi, mon père ? Sérieusement. Il m'avait conté sa racine, une fois.
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Autour de toi, un étrange capharnaüm règne. Du bruit de tous les côtés, des montagnes d'objets aux couleurs vives, des mouvements dont tu ne peux distinguer l'origine... Tu flottes dans une caverne sans fin, entouré de trésors et de sensations raffinées."
C'était mignon. Un vrai rêve, n'es-ce pas ? C'était ce genre de gars romantique qui aurait bravé tous les interdits pour satisfaire son envie de poésie. Alors quand il a rencontré ma mère, il a tout donné pour elle. Mais leur union n'a donné qu'un rejeton maladif, incomplet, l'inverse de l'abondance de leur amour et de leurs rêves de grandeur et d'opulence.
On dirait vraiment que je me plains, mais en vérité je n'ai jamais eu de mal à supporter cette situation. Je les aimais de loin, et les voir souffrir de mon indifférence ne me faisait pas mal. J'ai toujours considéré qu'ils étaient les coupables. Ils m'ont forcé à vivre dans cette situation, dans ce no man's land entre deux espèces. Je suis vu par les deux clans comme un étranger. Pas que cela m'empêche d'en fréquenter les membres, non, juste que je sens une barrière entre eux et moi. J'aurais aimé être l'un d'entre eux. J'aurais aimé appartenir à un groupe, à un monde, ou même à quelqu'un. Mais je suis, et j'ai toujours été, séparé en deux.
Il y a cette partie de moi qui est confuse, perdue, honteuse, qui voudrait se lacérer la chair et arracher ses yeux, qui hurle et pleure, cachée au fond de mon estomac, qui voudrait aimer quelqu'un jusqu'à en mourir, et dont la présence me brûle les entrailles comme si je buvais directement à la théière.
Et puis il y a cette autre partie, celle qui rit, qui s'émerveille de n'importe quoi, celle qui est superficielle et qui se fout de tout, celle qui se bat avec violence et rit de ses blessures, celle qui s'amuse avec les autres sans avoir aucun remords, celle qui fait ce qu'elle a envie sans réfléchir au préalable. Celle que les autres connaissent de moi.
Et moi je suis celui du milieu. Celui qui n'arrive pas vraiment à ressentir cette douleur et cette joie, même si il sait qu'elles sont présentes. Une moyenne entre deux extrêmes, le point zéro.
Je suis à la fois compatible et divisé. Pourtant, je m'entends bien avec tout le monde. Je n'ai jamais eu de problèmes de relations, au contraire. Je sais dire ce qu'il faut. Je sais sourire, et rendre les gens heureux. Et j'apprécie l'amour qu'ils me portent, même si je ne peux le leur rendre qu'en façade.
Je n'ai jamais rien appris. Mon éducation était un échec, mon instinct aussi utile qu'une fourchette pour manger de la soupe. Alors j'ai fait des tonnes d'expériences, qui ont donné ce que je suis maintenant, mais sans changer ce que j'étais au fond de moi. Parce que je suis un Cross. Voué à la dualité jusqu'à la fin de ses jours.
Alors on pourrait penser que je suis quelqu'un de socialement intéressant. Quelqu'un de plein de surprises, de toujours différent, de fascinant par sa richesse intellectuelle. Mais je ne connais rien, et personne ne me connaît vraiment. Je ne suis qu'une coquille vide se faisant passer pour un kinder, vous savez, ceux avec une surprise à l'intérieur.